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 Allocution de la CGT Educ’action77 lors de la journée de grève du 6 juin

Avant de rejoindre le cortège interprofessionnel à la préfecture contre la contre réforme des retraites, 80 personnes s étaient réunies devant la dsden pour dénoncer le pacte enseignant et la casse de la voie professionnelle.

La prise de parole de notre SG en version tapuscrite est ci-dessous :

Allocution, CGT Educ’Action77, 6 juin 2023

Chers Camarades,

Les réformes annoncées dans l’Education nationale sont sans précédent et en particulier, la casse programmée de l’enseignement professionnel sous statut scolaire public.

Contrairement à ce qui est dit, l’enjeu pour Macron et son gouvernement, n’est pas de revaloriser les salaires des enseignants.

Ce qui motive le gouvernement est d’en finir avec la Fonction publique d’Education nationale, sous couvert de servir l’intérêt des usagers.

De façade, Macron et son ministre vous font croire que cette « déforme » va améliorer la qualité du service public en garantissant le remplacement des professeurs absents, que leur absence soit ponctuelle (maladie, formation, etc…) ou qu’elle résulte du fait qu’il n’y a tout simplement pas d’enseignant sur le poste, faute de recrutement.

Les gouvernements successifs ont organisé ces difficultés qui remettent en cause le fondement même de l’Education nationale, d’une instruction égalitaire et de qualité pour toutes et tous.

Les TZR, des fonctionnaires dont la mission était de remplacer au pied levé leurs collègues absents, tout comme les contractuels recrutés pour ne pas créer de postes de fonctionnaires, sont depuis de nombreuses années, affectés sur des postes à l’année et nous n’avons bien souvent plus de personnels réservés à cette mission de remplacement.

La dégradation continue de nos conditions de travail et la faiblesse de nos rémunérations favorisent de leur côté, le désintérêt, la fuite même, des potentiels candidats qui se tournent vers d’autres métiers, et on le comprend très bien d’ailleurs.

A cette casse du service public d’Education, le ministre derrière Macron, répond par un « pacte » !
En quoi consiste ce « pacte » ?

Pas à mettre en place des remplacements, comme cela est répété à l’envi par le ministre, mais du « bouche trous au pied levé ».

Contrairement à ce qui est répété, il ne s’agit pas de permettre à vos enfants d’avoir un cours de mathématiques dans la continuité de ceux qu’il suit habituellement si son prof de maths est absent.

Il s’agit de mettre un enseignant quelconque, d’une matière quelconque, et qui n’est d’ailleurs même pas l’enseignant de votre enfant, devant lui pendant les heures libérées par l’absence de son professeur, et au pied levé, c’est-à-dire sans préparation de ce « cours » !

Il ne s’agit donc pas d’enseignement mais au mieux d’animation, d’occupation, de surveillance, quelques soit le nom que vous voudrez bien lui donner.

Assez fondamentalement, plusieurs milliards d’euros seront versés chaque année pour se moquer de vos enfants, de nos élèves et de nous tous, à qui appartient l’Ecole publique.

Et pour que nous acceptions de le faire, on nous propose des primes.

Mais, de primes, il n’y en a pas pour tout le monde : en lycée, par exemple, on compte environ 1 pacte pour entre la moitié et les 2/3 des collègues.

Autrement dit, le ministre fait le choix d’un mode de rémunération inégalitaire entre les agents, inégalités qui modifient en profondeur notre conception même du service public d’Education.

Ceux d’entre nous qui accepterons de pactiser, le feront essentiellement pour l’appât du gain, rendu presque nécessaire quand on connait les grilles de rémunérations des enseignants !

La Fonction publique que nous défendons est le fruit de l’histoire. Elle est fondée sur la carrière à l’ancienneté : le fait que nous soyons assurés de progresser dans les grilles est la garantie de notre indépendance, non seulement vis-à-vis des usagers (nous ne sommes pas corruptibles et c’est ça qui garantit que nous évaluions avec impartialité vos enfants par exemple) mais aussi vis-à-vis de notre hiérarchie (nous n’avons pas à lui plaire et pouvons nous concentrer sur notre mission de service public).

Avec ce régime indemnitaire discriminant, nous ne serons donc plus au service de l’intérêt général mais motivés par l’appât du gain.

Dans la voie professionnelle, la logique entrepreneuriale, de mise au pas de l’Ecole sur celui de l’entreprise, est poussée à son paroxysme.

Le ministère annonce en effet un plan de licenciements massif avec la fermeture de centaines de sections d’enseignements dans certains métiers du secteur tertiaire (gestion-administration, vente…), tout en expliquant aux personnels qu’ils pourront aller enseigner en école primaire ou ailleurs, manière assumée de leur cracher au visage qu’ils n’ont pas de métier, alors qu’être Professeur en Lycée Professionnel, c’est faire le choix d’un engagement au plus près des plus fragiles socialement et scolairement, avec la conviction profonde de pouvoir leur donner des ressources pour faire des études ou tout simplement, pour ne pas être à la merci des employeurs.

Pour les collègues des autres filières, on leur demande notamment de forcer l’insertion professionnelle des jeunes en difficulté dans les entreprises locales qui manquent de bras. Et comme on achète les enseignants avec le « pacte », on achète les jeunes et leurs familles avec une « gratification » de 200 euros en échange du travail des jeunes, qui seront financés non pas par l’employeur, mais par l’Etat, donc avec de l’argent public !

L’allongement des périodes de stage en entreprise vise à réduire à peau de chagrin l’instruction des jeunes pour les mettre à la merci des employeurs tout en détruisant les qualifications et les diplômes. On ne sera plus titulaire d’un diplôme national mais d’un diplôme de telle ou telle entreprise de son bassin de vie, tout comme Blanquer a fait du bac un diplôme d’établissement.

Nombreux parmi vous sont ceux qui n’aiment pas l’Ecole, qui n’aiment pas les enseignants, souvent parce que votre expérience de l’Ecole vous laisse un goût amer.

Mais la seule question qui est posée ici est de savoir ce que nous préférons pour l’Education, la formation et l’instruction de nos enfants, c’est-à-dire de notre avenir.
Préférons-nous confier nos enfants, notre avenir, à des professeurs de l’Education nationale ou aux patrons des entreprises ?
Qui des deux jugeons-nous le plus à même d’assurer l’Education, la formation et l’instruction de nos enfants dans ce seul intérêt ?

Parce qu’il est contraire à nos valeurs, parce qu’il porte atteinte à notre sens du service public d’Education, ce « pacte » nous fait souffrir.
Parce qu’il va nous mettre en concurrence, parce qu’il fait de nous les palliatifs de France travail, ce « pacte » nous fait souffrir.
Parce qu’il transforme la Fonction publique d’Education en entreprise, ce « pacte » vend notre âme au diable.

Ce « pacte », c’est France Télécom à l’échelle de la plus grande administration de notre pays.

Certains démissionneront, certains se foutront en l’air, ceux qui résisteront se feront placardiser, ce qui pactiseront n’incarneront plus la Fonction publique indépendante et au service de l’intérêt général mais l’esprit d’entreprise à laquelle ils socialiseront nos enfants.

Nous allons nous battre contre cette politique qui se fait par ailleurs sans aucun texte réglementaire, c’est-à-dire sans contrôle des organisations syndicales représentants les personnels et sans contrôle démocratique ou judiciaire.

Nous allons nous battre contre cette politique, mais nous aurons besoin de vous à nos côtés, parce que l’Education nationale ne nous appartient pas à nous, enseignants de l’Education nationale.
L’Education nationale vous appartient et c’est aussi à vous, que nous servons, de défendre la Fonction publique d’Education que vous voulez pour vos enfants, la Fonction publique d’Education que vous voulez pour notre société.

En complément, une tribune co-signée par la LDH, la FCPE, la CGT Educ’action..
https://laligue.org/articles/a-celles-et-ceux-qui-agitent-le-chiffon-rouge-de-la-guerre-scolaire-nous-repondons-que-celle-ci-na-jamais-cesse/