La tapa sociale de l’après-crise n°2 : l’austérité moins pénible au soleil ?

Réorganisation-fusion des hôpitaux publics : localement, l’un des feuilletons est le rapprochement catastrophique entre 2 des 3 hôpitaux publics de Séville ( Virgen del Rocio et celui de la Macarena). Images des urgences saturées, journées de grève...les syndicats sont unis face aux projets des autorités locales, menés au nom de l’efficacité et de l’économie. Concrètement, des services disparaissent, et les patients qui n’ont plus leur place se retrouvent aux urgences... qui débordent. Le service de neurochirurgie a été ainsi recentré sur l’hôpital Virgen del Rocio, avec pour résultat ceci : d’après la plate-forme syndicale, le délai d’attente pour un premier rendez-vous en neurochirurgie est de ...2 ans ! Et si un second rendez-vous est nécessaire, par exemple pour un IRM, il faut encore patienter...un an. En Espagne, le secteur de la Santé subit des attaques encore plus fortes que celles que nous connaissons, avec des conséquences dramatiques pour les citoyens, et bien entendu en premier lieu les plus pauvres. Difficile à croire pour un pays qui appartient encore au club des riches...

Plus de lumière, plus de musique ! L’un des conservatoires de musique de Séville (Cristobal de Morales, 1 260 élèves) s’est fait couper l’électricité parce que la Province d’Andalousie n’a pas payé ses factures...une dette de 20 000 euros qui souligne l’état déplorable des établissements de culture en Andalousie, faute d’entretien.

Nouvelle loi sur les logements : l’espoir change de camp. Petit rappel de la situation politique espagnole : le gouvernement central est dirigé par Mariano Rajoy ( Partido popular, droite décomplexée), de même que la mairie de Séville ( par M. Zoido, alors qu’historiquement la ville était depuis longtemps à gauche). Le gouvernement de la Province d’Andalousie est mené par le PSOE ( Parti socialiste, social-démocrate ou droite complexée, suivant les avis) avec l’appui de Izquierda Unida ( IU), une formation qui coalise plusieurs petits partis de gauche plus radicaux autour du Parti Communiste. Izquierda Unida , à l’instar du Front de Gauche en France ou de Syriza en Grèce, est en pleine progression dans les élections. Je vous parlais dernièrement du nombre incalculable de familles sans logement...et de logements vides. Au niveau de Séville,où le problème se pose de façon aiguë, quand les journalistes demandaient au maire de droite pourquoi il ne relogeait pas les familles dans les logements inoccupés, le maire expliquait que la mairie était en train d’étudier d’autres solutions ! Les journalistes, pourtant pas des gauchistes, se montraient sceptiques...Face à cette « urgence d’attendre », la réaction du gouvernement d’Andalousie paraît bien plus déterminée. Il y a quelques jours, le PSOE et IU ont donc fait voter la « Ley de Vivienda » ( loi sur le logement). Cette loi, même si elle se veut temporaire ( 3 ans), parle tout de même d’expropriation ! Il s’agit donc d’exproprier ( contre indemnité) les banques et les entreprises qui possèdent des logements vides pour les familles les plus démunies. Ces familles verseraient un loyer équivalent à 25 % de leurs ressources au service public en charge de cette politique. Quant aux banques ou aux promoteurs qui ne mettraient pas en location et laisseraient vides leurs logements, une amende de 9 000 euros est fixée par habitation. Cette loi, à l’initiative de IU ( et sa conseillère chargée du logement, voir photo ci-dessous), est un coup de tonnerre en Espagne, et le gouvernement central ( et les secteurs privés concernés) ne vont pas manquer de faire appel et retarder son application. D’autres difficultés se présentent :comment définir ce qu’est un logement « vide » ? Qu’est-ce qu’une famille vraiment dans le besoin ? L’autorité de la Province explique que cette décision devrait, dans l’urgence, empêcher l’expulsion de 200 familles, ce qui , pour très positif, reste très modeste. Néanmoins pour toutes les familles concernées c’est un message de soutien fort, et les réunions publiques se multiplient pour discuter des conséquences de cette loi. Un des animateurs de ces réunions m’expliquait que cette nouvelle loi avait peu de chances d’être appliquée rapidement, et donc d’être en elle-même efficace, par contre elle permet déjà symboliquement de peser dans le rapport de forces avec les banques et les promoteurs privés.

Un autre symbole s’éteint. Après le décès de Stéphane Hessel, largement médiatisé en Espagne, les Indignés perdent leur deuxième père spirituel. Jose Luis Sampedro, économiste et écrivain, vient de mourir à l’âge de 96 ans. Cette figure de l’engagement intellectuel avait acquis une nouvelle reconnaissance, en particulier auprès des jeunes, en préfaçant la version espagnole d’ « Indignez-vous ! », le best seller de Stéphane Hessel. A noter que ce dernier, devant le succès rencontré par son ouvrage en Espagne, a sorti un petit livre directement adressé aux « Indignados ».

Occupation des terres aussi ! Mon journal sévillan parle de l’ occupation symbolique initiée par le Parti Communiste Andalou ( PCA) et plusieurs syndicats d’une ferme privée. Les manifestants réclament la mise en place de la « Banque des Terres », une banque publique pour aider les paysans modestes. Cette création fait partie de l’accord gouvernemental signé entre le PSOE et IU au niveau de la Province. Il faut rappeler que l’Andalousie est , pour son agriculture, à la fois très riche et très pauvre : le sol est accaparé par quelques gigantesques propriétaires terriens qui emploient des ouvriers agricoles de manière saisonnière. Autrefois ces saisonniers étaient pour beaucoup des immigrés sans papier, depuis la crise les Espagnols acceptent ces jobs sous-payés dans les orangeraies, les champs d’oliviers ou de fraisiers. Un autre article qui parle de la multiplication des mendiants à Séville indique d’ailleurs que nombre de ces mendiants sont des ruraux au chômage. Les manifestants qui ont occupé la « latifundia » ( grande propriété agricole) l’ont choisie car, sur plus de 200 ha, seuls 10 % sont exploités ». Ils annoncent des actions « de moins en moins symboliques » pour obtenir une véritable réforme agraire.

Duc de Palme ou du Qatar ? Le gendre du roi, Inaki Urdangarin ( voir photo ci-dessous), impliqué avec sa femme dans des affaires de corruption, part travailler pour l’équipe de handball du Qatar. Les autorités publiques ne s’émeuvent pas, alors qu’il n’y a pas de traité d’extradition entre le petit émirat arabe et l’Espagne...Les pétrodollars du Qatar sont aussi présents ici, et la récente rencontre PSG-Barcelone a été l’occasion de voir que 2 des plus grosses écuries européennes étaient financées par les Qataris.

Rajoy à l’envers de tous les credos néo-libéraux ! Dernièrement, le chef du gouvernement espagnol, pourtant de droite, a réclamé à ses partenaires européens un renforcement des compétences de la BCE, afin que cette banque ( dont « l’indépendance » est érigée en dogme) intervienne davantage, suivant l’exemple des banques centrales américaines, anglaises ou japonaises. Pas très libéral, tout ça...De même le très conservateur Premier ministre du Portugal s’est opposé aux demandes exorbitantes de la Troïka en matière de réductions budgétaires : en Europe du sud, les tenants de l’austérité découvrent eux-mêmes l’impasse dans laquelle ils sont !